C) Les Polyèdres


1. Les polyèdres réguliers

Les cinq polyèdres réguliers convexes, « Les solides de Platon », tétraèdre, hexaèdre (cube), octaèdre, dodécaèdre et icosaèdre, nommés suivant le nombre de leurs faces (4, 6, 8, 12 et 20) sont apparus depuis longtemps en occident (Fig 1).

 Fig 1
Les cinq polyèdres réguliers

 
Au Ashmolean Museum d'Oxford, sont conservés des modèles en pierre de ces cinq solides, d'origine celte, datant d'environ 1300 avant J-C. On voit, dans des musées, des dodécaèdres réguliers en pierre d'origine étrusque ou celte et très anciens ; les étrusques utilisaient des dés dodécaédriques (Fig 2).

Fig2
Dodécaèdre pentagonal

 

Les grecs construisaient des balles ou ballons en cousant ensemble 12 pièces de cuir taillées en pentagone (le dodécaèdre régulier est en effet le plus proche de la sphère).
Dans la tradition, on considère que la théorie des 5 polyèdres réguliers serait l'oeuvre des Pythagoriciens.
La construction mathématique semble plutôt être l'oeuvre du grec Théétète, ami de Platon et de Socrate (vers 380 av. J-C).
Le Timée, un des dialogues essentiels de Platon, utilise les 4 premiers et cite simplement le 5ème polyèdre.
Enfin, c'est dans les derniers livres (11, 12 et surtout 13) des Eléments d'Euclide, que nous trouvons la démonstration de l'existence et de la construction géométrique des 5 polyèdres réguliers (vers 280 av. J-C).
On pense que ce dernier document est une compilation du savoir géométrique de l'époque.

Les polyèdres réguliers convexes peuvent être définis par exemple ainsi :
* les faces sont des polygones réguliers égaux (superposables)
* à chaque sommet on a le même nombre de faces
* les arêtes (côtés des faces), sont les seuls éléments communs aux faces.
On constate qu'à chaque sommet la somme des angles des différentes faces est strictement inférieure à 360° (pour avoir une figure convexe de l'espace) et qu'il y a au moins trois faces par sommet. En utilisant les polygones réguliers rangés selon leur simplicité, on peut dénombrer les cas possibles :

Triangle équilatéral (angle de 60°)
3 triangles 3x60°=180° , 4 triangles 4x60°=240°, 5 triangles 5x60°=300° 3 cas possibles
 
Carré (angle de 90°)
3 carrés 3x90°=270° 1 cas possible
 
Pentagone régulier (angle de 108°)
3 pentagones 3x108°=324° 1 cas possible

Il y a donc au plus 5 polyèdres réguliers (l'hexagone d'angle de 120° conduit à une impossibilité comme les suivants).
Il reste à démontrer mathématiquement que ces polyèdres sont constructibles ; le livre 13 des Eléments d'Euclide donne ces démonstrations.
Point important, ces 5 solides sont inscriptibles dans des sphères.
Une question se pose : quel savoir utilisaient ceux qui, très tôt, ont construit des modèles en pierre ou autre matériau, de ces 5 solides réguliers ?
On constate, une fois encore, que dans ces temps anciens il y a un écart important entre le moment où ces connaissances existent (et sont l'apanage de quelques uns) et celui où une publication les présente à tous.
En plus des polyèdres réguliers, on a étudié plus tardivement, des polyèdres réguliers étoilés ( ou croisés), des polyèdres semi-réguliers (Solides d'Archimède) où les faces sont de deux types différents.... Comme l'indique la partie A, dans l'ouvrage de Luca Pacioli « De Divina Proportione », une soixantaine de polyèdres sont décrits et matérialisés par des planches dues à Léonard de Vinci.
Quand il grave "Melencolia 1" en 1514, Dürer connaissait donc de nombreux résultats concernant les polyèdres. Celui qu'il présente dans sa gravure ne fait pas partie de ceux mentionnés ci-dessus mais il présente des caractères analogues : il est inscriptible dans une sphère ; ses 8 faces sont de deux types 2 triangles équilatéraux et 6 pentagones identiques ; pour un octaèdre, il remplit remarquablement sa sphère circonscrite (42%), ce qui est supérieur à l'octaèdre régulier (32%) et même au cube (37%) le maximum étant pour le dodécaèdre (67%).


2. Polyèdre dual

Les 5 polyèdres réguliers admettent chacun une sphère circonscrite et une sphère inscrite de même centre.
Pour un de ces polyèdre (P) , si on considère le polyèdre (P') obtenu en prenant pour sommets les points de contact avec la sphère inscrite (donc les centres des faces), on démontre simplement que (P') est un polyèdre régulier et on obtient les résultats suivants :





Le tétraèdre est son propre dual, l'hexaèdre et l'octaèdre forment une paire duale (Fig 3) comme le dodécaèdre et l'icosaèdre.

(D), le polyèdre de Dürer (8 faces, 12 sommets, 18 arêtes) n'est pas régulier mais ses faces possèdent des centres (2 triangles équilatéraux et 6 faces pentagonales admettant des cercles circonscrits). Le polyèdre (D') de sommets X, X', O, O', Oı, O'ı, M , M ' (centres des 8 faces), admet (XX') comme axe de symétrie ternaire, Ω comme centre, ainsi que trois plans de symétrie.

Eléments de (D') : (voir également figure 8)
On a XO = X Oı = XM . Calculons XO dans le triangle FOX (Fig 4 ),


OX² = OF² + FX² – 2OF.FXcos(angleOFΏ) soit OX = ½α(√5 – 1)
On retrouve la valeur de FC = ρ (voir cas particulier θ = 72°)
Calcul de OOı
On sait que FO = 2 FI (I milieu de [CD] et de même, F Oı = 2 FIı (Iı milieu de [CS] )
Dans le triangle OFOı, OOı=2IIı (droite des milieux)
Dans le triangle équilatéral CDS, on a aussi SD = 2 IIı donc OıO = Oı M = O M = CD
La pyramide XO Oı M est donc isométrique à la pyramide FCDS, partie sectionnée du rhomboèdre initial.


Il en est de même pour la pyramide X'O' O'ı M '.

Le polyèdre dual (D') contient deux pyramides identiques aux deux qui ont été sectionnées pourobtenir le polyèdre (D) .

Examinons la partie centrale de (D') comprise entre les plans (O Oı M) et (O' O'ı M ').
Elle est constituée de 6 triangles isométriques (symétries du solide) tels que O O'ı M.


Calcul de O O'ı (Fig 5 )
Si Z est le projeté orthogonal de O sur (EB), Z est le milieu de [EB] et OZ = OE.sin(36°)
Comme OE = ½α(√5 – 1) , OZ = ½α√(5 – 2√5) (OZ = 21,8 mm quand α = 60 mm)
Z est aussi le projeté orthogonal de O'ı sur (EB) (même raisonnement dans la face EE'BB').
Le plan O O'ıZ est le plan orthogonal à (EB) en Z.
Dans le triangle O O'ıZ, isocèle en Z, si Z' est le milieu de [O O'ı] , O O'ı = 2.OZ' 

et OZ' = OZ.sin((180° - φ)/2) ; soit O O'ı = 34,2 mm quand α = 60 mm.
Comme XO=37 mm, ceci prouve que O O'ı est inférieur à FC.
On a de même O O'ı = O'ı M. (symétries du solide) et les 6 triangles de la bande centrale de (D') sont 6 triangles isocèles isométriques (superposables).



Revenons au polyèdre (D'), de sommets X et X' sur l'axe de symétrie ternaire (FE').


Dans la Fig 7, section de (D') dans le plan EFF'E', plan de symétrie de (D)et de(D'), 
on sait que XX1 = FX et FX = ⅓CD(√3)/2.tan φ' (Partie A, Fig 5)
FΏ² = OF² + OΏ² (Fig 6 Partie A) soit FΏ = ¼α√(6 + 6√5)
On en déduit ΩX par différence et XX' = 2 ΩX = 77,7 mm quand α = 60 mm.
Ceci permet de calculer l'angle XO' O'1 : tan ( XO' O'1) = 2,006 .
On a angle( XO1 O )= φ' et comme tanφ' = 2,16..., l'angle XO' O'1 est inférieur à φ' ce qui prouve que (D') n'est pas convexe mais légèrement concave ; X, O1, et O' ne sont pas alignés.


(D') est à l'intérieur de (D), il a la forme d'un rhomboèdre dont les faces sont presque des losanges mais de plus, il est légèrement concave (Fig 8).


Vu du dessus (Fig 9), (D') est un hexagone presque régulier.